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La formation continue au Sénégal : les femmes de Thiaroye-sur-Mer

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La formation continue au Sénégal : les femmes de Thiaroye-sur-Mer

De plus en plus de personnes de Thiaroye-sur-Mer, au Sénégal, périssent en essayant d’atteindre l’Europe par la mer. Un collectif de femmes avertit contre la migration irrégulière. Il montre les alternatives qu’offre la formation professionnelle.

Yayi Bayam Diouf (au centre) a créé le collectif de femmes COFLEC.

La formation continue pour de meilleurs emplois

Thiaroye-sur-Mer se situe dans la banlieue de Dakar, la capitale du Sénégal. Des personnes en font régulièrement leur point de départ en direction de l’Europe. La plupart sont des jeunes. Dans des barques surchargées, ils et elles essaient de rejoindre les îles Canaries, en Espagne. Tout cela dans l’espoir d’y trouver une meilleure vie. Mais beaucoup se noient au cours de la dangereuse traversée en mer. D’autres disparaissent sans plus donner le moindre signe de vie. Les membres de la famille et les ami·e·s restent avec leur peine. Pour elles et eux, il est difficile de poursuivre leur vie et de rester optimistes.

« J’ai perdu mon unique fils. J’avais placé tous mes espoirs en lui. C’est très douloureux », affirme Yayi Bayam Diouf, de Thiaroye-sur-Mer. Après cette perte immense, cette pêcheuse de 60 ans a créé en 2007 le Collectif des femmes pour la lutte contre l'émigration clandestine au Sénégal (COFLEC), un regroupement de femmes. Ensemble, elles luttent contre la migration irrégulière. Elles le font au moyen d’une sensibilisation, grâce à des formations continues pour de meilleures opportunités d’emploi et avec beaucoup de cohésion. « Je suis fermement convaincue que la force réside dans l’unité. En nous rassemblant, nous nous consolons mutuellement. Et nous attirons l’attention sur notre peine. Ainsi, nous pouvons avoir plus d’impact et montrer aux jeunes une autre voie », déclare-t-elle. Le collectif aide les femmes et les jeunes à assurer leur propre subsistance.

Lors d'une formation continue, les femmes apprennent des techniques pour transformer le poisson et les fruits de mer.

Réussir en étant à son compte au Sénégal

Prendre le chemin de la mer est généralement une impasse qui débouche souvent sur la mort, dans un hébergement pour demandeur·euse·s d’asile ou sur un renvoi dans le pays d’origine. Beaucoup de ces femmes, en ont fait elles-mêmes l’expérience. C’est pourquoi elles en appellent aux parents à ne pas inciter leurs enfants à émigrer ou à encourager cette décision avec de l’argent. « Dans notre pays, les femmes sont durement touchées par l’émigration de leurs enfants. D’abord, elles se sacrifient pour leurs enfants, puis pour leur départ. En cas de réussite, elles sont respectées de tous et tous », affirme Y. Diouf.

Les proches acceptent ainsi que leurs enfants vivent souvent dans des conditions précaires en Europe. En effet, sans documents légaux d’entrée sur le territoire, ils n’ont le droit ni de travailler ni de commencer une formation. « Pour leurs proches, le principal est que les enfants envoient de l’argent à la maison. Mais cet argent, ce sont les pères qui le récupèrent à la banque ou à la poste et qui en disposent ; pas les mères », explique Y. Diouf. Les femmes n’ont alors guère leur mot à dire sur l’utilisation qui en est faite. Le collectif s’engage donc aussi pour que les femmes trouvent elles-mêmes du travail au Sénégal et ne soient pas dépendantes des envois d’argent de leurs enfants émigrés.

Une femme aveugle emballe de la noix de coco râpée pour la vendre.

« Dans notre pays, le succès est souvent mis en parallèle avec l’émigration », déclare Yayi Bayam Diouf. « Mais, ici au Sénégal, nous avons aussi des possibilités pour réaliser nos rêves. » Avec son collectif de femmes, elle souhaite montrer aux jeunes la bonne voie : comment ils et elles peuvent partir légalement via la formation professionnelle continue ou comment il est possible de contribuer au développement de leur propre pays.

Travailler au Sénégal : renforcer le maillon le plus faible

Le COFLEC propose des formations continues pour les femmes qui ont perdu leurs proches en mer. Les groupes exclus sont particulièrement ciblés, par exemple les femmes handicapées ou les femmes albinos. Pour ce faire, l’association de Y. Diouf coopère avec différents partenaires. En 2022, le Centre sénégalo-allemand d’Information pour l’Emploi, la Migration et la Réintégration (CSAEM) a organisé une formation pour 125 femmes. « Les personnes travaillant au centre sont venues nous voir pour bien comprendre nos problèmes sur place et proposer des solutions adaptées. L’équipe nous a demandé ce dont nous avons précisément besoin avant de proposer la formation professionnelle continue », explique Y. Diouf.

Pendant 10 jours, les femmes ont été formées en groupes. Certaines ont appris à cultiver des légumes sur des tables. D’autres ont amélioré leurs compétences dans la transformation de poissons et de produits laitiers. D’autres encore ont appris à transformer les céréales, légumes et fruits locaux en épices et produits secs. Un groupe s’est concentré sur la fabrication d’emballages en papier biodégradable.

Grâce à ce qu’elles ont appris, les femmes peuvent se mettre à leur compte, agrandir leur gamme de produits, élargir leur clientèle et augmenter ainsi leurs revenus. Elles transmettent leurs nouvelles connaissances à d’autres femmes. Dans une prochaine étape, le collectif souhaite créer une coopérative : elles aimeraient vendre sur les marchés des environs les produits des participantes : fromage, salade, jus, épices ou poisson séché.

Y. Diouf explique : au sein du collectif de femmes, il est aussi question de créer un refuge pour les femmes et les jeunes par le biais du travail. En effet, le travail offre une distraction vis-à-vis de la peine ou des plans d’émigration. De nombreuses participantes soulignent que les rencontres pendant ces 10 jours de formation ont été pour elles comme une sorte de thérapie. Cela leur a fait du bien de construire quelque chose ensemble et de se tourner vers l’avenir.

Edition : 03/2023

Ce texte est écrit en langue simple. Notre volonté est que toutes les personnes intéressées puissent bien le comprendre.

Dans notre pays, le succès est souvent mis en parallèle avec l’émigration. Mais ici, au Sénégal, nous avons aussi des possibilités pour réaliser nos rêves.
Yayi Bayam Diouf

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